CONNECTICUT, NEW JERSEY ET NEW YORK

1. Youth Of Today – Break Down The Walls (1986)

Parmi ces jeunes et ces groupes avec l’envie folle de redonner ses lettres de noblesse au Punk Hardcore et au Straight Edge, Youth Of Today est le premier de la côte Est et surement le plus important de tous. Il s’est formé en 1985 à Danbury dans le Connecticut autour de deux personnalités locales : le chanteur Ray Cappo, ex-deuxième chanteur de Reflex From Pain et ex-batteur de Violent Children ; John « Porcell » Porcelly, ex-guitariste des Violent Children et Young Republicans.

Après un premier EP tueur Can’t Close My Eyes (1985) contenant la chanson « Youth Crew » et sorti sur le label Positive Force Records (Kevin « Seconds » Marvelli, chanteur des 7 Seconds, pionnier du Straight Edge), Youth Of Today a eu un retentissement inouï sur la scène grâce à son album Break Down The Walls publié en 1986.

Déjà par sa nouvelle approche musicale et scénique car à l’instar de Screaming For Change, l’autre joyau de la maison Wishingwell Records (Pat Dubar – Uniform Choice), BDTW contient treize titres dessinant les nouveaux contours et « gimmicks » du genre Hardcore : courts et passionnés, déroulés en moins de vingt minutes, ils font la part belle aux fameux breakdowns quand leur équilibre idéal entre dynamisme et mélodie donne l’envie inexorable de chanter et danser.

Sur un tout autre plan, Ray Cappo réintroduit en grande pompe le Straight Edge en prônant l’exemplarité positive plutôt que la coercition adoptée par le Boston Crew quelques années plus tôt. Mais pas seulement car au delà du désormais classique « je ne bois pas, je ne fume pas, je ne me drogue pas », il propose une vision bien personnelle du Straight Edge.

Cela se matérialise par une dimension plus « spirituelle », avec des paroles introspectives mettant en avant le pouvoir du vivre et penser positif, la force par l’unité, etc. Puis sa dévotion au Hare Krishna (ISKCON – Association Internationale pour la Conscience de Krishna) lui fait introduire le concept nouveau de végétarisme et pousser toujours plus loin le mode de vie aussi pur que possible.

Après BDTW, s’en sont suivi les tout aussi excellents disques We’re Not In This Alone (1988) et Disengage (1990) clôturant la carrière de Youth Of Today. Une fin au sommet pour un groupe culte et intemporel qui a engendré une longue descendance (Shelter, Judge, Better Than A Thousand, Project X, Straight Ahead, Sick Of It All, Side By Side, Gorilla Biscuits, etc.) ainsi que deux labels incontournables (Revelation Records, Equal Vision Records).

Meilleurs titres : Make A Change, Stabbed In The Back, Take A Stand, Break Down The Walls, Time To Forgive, Youth Of Today.

2. Bold – Speak Out (1988)

Directement influencé par leurs prédécesseurs Youth Of Today, Bold a été l’un des plus jeunes groupes Punk Hardcore officiant sur la côte Est à la fin des années 1980. A l’origine nommée Crippled Youth, la formation adolescente est née en 1986 à Katonah dans l’Etat de New York et a immédiatement accouché une démo prometteuse intitulée Join The Fight (1986).

En 1988, s’en ait suivi le disque Speak Out, véritable classique Youth Crew Hardcore et Straight Edge sur lequel Bold a nettement augmenté le niveau de son jeu, avec des chansons toujours très simples mais beaucoup plus accrocheuses. Pour cause, on y reconnait un fil conducteur, l’ADN 100% Youth Of Today au point de s’y méprendre !!

Justement depuis ses débuts, Bold a tissé des liens particulièrement étroits avec ces derniers : à la base considéré groupe petit frère, ils finiront amis de longue date à tel point que Revelation Records assurera l’édition de toute leur discographie. Après quelques évolutions de line-up, Bold a hélas développé sur ses deux disques ultérieurs un son plus Rock avant d’arrêter l’aventure en 1993 et produire sa propre descendance (Quicksand, Beyond, Running Like Thieves, One Sided War, Into Another, etc.).

Meilleurs titres : Talk Is Cheap, Nailed To The X, Clear, Wise Up, Still Strong, Search.

3. Gorilla Biscuits – Start Today (1989)

Gorilla Biscuits a été créé en 1987 à New York par Arthur Smilios, Nick Drysdale et Anthony « CIV » Civarelli, tous fans du groupe Agnostic Front qu’ils voyaient régulièrement en concerts au CBGB. Après de nombreux changements de line-up, la formation s’est stabilisée autour de CIV au chant, Smilios à la basse, Walter Schreifels et Alex Brown à la guitare, enfin Luke Abbey à la batterie.

Leur nom est un clin d’œil à la Méthaqualone (Quaalude, aussi appelé merde de singe), sédatif dont les effets sont similaires à ceux des barbituriques…mais ne vous y fiez pas car Gorilla Biscuits avait bien pour objectif d’apporter sa pierre à l’édifice Straight Edge, en prônant une vie d’expériences « good, clean, fun », l’amitié et la tolérance, le positivisme et la motivation, le droit animal et j’en passe.

Très proches de Ray Cappo et Porcell, Revelation Records éditera leurs deux disques Gorilla Biscuits (1988) et Start Today (1989). Sur ce dernier, Gorilla Biscuits délivre un Punk Hardcore plein de vitalité et avec un sens prononcé de la mélodie, à la manière de Minor Threat, 7 Seconds ou des Descendents en leurs temps. Une franche distinction, particulièrement bienvenue dans un New York Hardcore se Youth Of Today-isant ou se metallisant (Crossover Thrash, Metalcore).

Les douze compositions sont simples et tellement addictives, les seules réponses acceptables étant de sauter, danser ou « stage-dive » !! Un essentiel du genre et le dernier témoignage avant que Gorilla Biscuits ne raccroche les crampons en 1992.

Meilleurs titres : New Direction, Stand Still, Degradation, Things We Say, Start Today, First Failure, Competition, Time Flies, Cats And Dogs.

4. Judge – Bringin’ It Down (1989)

Quand le batteur Mike « Judge » Ferraro a quitté Youth Of Today après une petite année de service (1987), il était très remonté. Remonté contre le monde, contre la fascination de la scène Punk pour la drogue et l’alcool, contre son ex-petite amie et aussi lui-même. Armé de sa batterie, il avait pour ambition de monter le groupe ultime de Punk Hardcore à la ligne la plus dure : Judge a vu le jour en 1987 à New York avec l’aide de John « Porcell » Porcelly (alors guitariste de Youth Of Today et chanteur de Project X).

Cette collaboration a abouti sur l’écriture et l’enregistrement de New York Crew (1988). Publié sur le label Schism Records (détenu par Porcell et Alex Brown), l’EP a trouvé son public dans l’underground et amené Mike Ferraro à faire de Judge un véritable groupe et recruter des comparses pour un nouvel album : Matt Pincus à la basse et Sammy Siegler à la batterie. Financé par Revelation Records, le disque Bringin’ It Down est sorti de studio en 1989 comme un cri de guerre contre la fachosphère néo-nazi tentant d’infiltrer le milieu Hardcore.

Ambition initiale respectée et objectif atteint puisque les neuf titres composant Bringin’ It Down ont une approche « gros dur » bien différente de celle retenue par les pairs Youth Crew du moment. Ils affichent une attaque sonore résolument plus lourde, plus métallique (guitare, ralentissements de tempo, voix rauque de Mike) et expriment un Straight Edge hyper-militant et provocateur.

Judge a été l’une des premières formations à aller aussi loin dans la radicalité, une marque de fabrique reconnue et gravée encore aujourd’hui dans le cœur des hardcore kids malgré la séparation du groupe en 1990.

Meilleurs titres : Take Me Away, Bringin’ It Down, Hold Me Back, Give It Up, Like You, I’ve Lost.

5. Turning Point – It’s Always Darkest…Before The Dawn (1990)

Fondé en 1988 à Moorestown dans le New Jersey autour du chanteur Frank « Skip » Candelori et de musiciens ayant joué dans Pointless, Awareness et Failsafe, Turning Point a eu un impact considérable sur la scène Punk Hardcore, et cela en seulement trois années d’existence !

En effet, Turning Point n’a pas eu peur de casser les barrières, deux périodes pouvant être distinguées dans leur jeune carrière. Une première classique dans la pure tradition Youth Of Today ayant aboutit sur les excellents Demo (1988) et Turning Point (1989). Puis une deuxième, plus libérée qui a donné lieu au créatif It’s Always Darkest…Before The Dawn, publié en 1990 sur l’alors récent label californien New Age Records.

Un album unique marquant une évolution musicale vers une direction plus émotionnelle : fort d’une nouvelle confiance, Skip stoppe d’imiter Ray Cappo et développe des paroles beaucoup plus personnelles, « shoutées » comme parlées dans une sorte de plaidoyer, le combo diversifie et complexifie la structure de son jeu, notamment la guitare qui intègre des flashs de mélodie et un crunch métallique.

Tout simplement fondamental dans l’émergence du mouvement Hardcore Emo et mélodique !! Malheureusement et ironiquement, Skip Candelori est décédé en 2002 d’une overdose de drogue. R.I.P.

Meilleurs titres : Before The Dawn, Guidance, Face Up, Shadow Of Lies, Life Goes On, Growing Stronger, Feeding The Fire.

D’autres groupes et albums ont également participé à l’émergence du Youth Crew Hardcore dans l’Est des Etats-Unis :

• Youth Of Today avec Can’t Close My Eyes (1985), We’re Not In This Alone (1988) et Disengage (1990)
• Crippled Youth avec Join The Fight (1986)
• Straight Ahead avec Breakaway (1987), comptant parmi ses membres Armand Majidi et Craig Setari (futures stars de Sick Of It All)
• Project X, supergroupe issu de Gorilla Biscuits, Youth Of Today et Judge, avec un Straight Edge Revenge (1987) très militant
• Gorilla Biscuits avec son EP éponyme (1988)
• Judge avec New York Crew (1988)
• Turning Point avec sa Demo (1988) et son EP éponyme (1989)
• Wide Awake avec CT. Hardcore (1988)
• Side By Side avec You’re Only Young Once… (1988), le groupe d’Alex Brown (Gorilla Biscuits, Project X) et Sammy Siegler
• Up Front avec Spirit (1988), premier disque du label et fanzine Smorgasbord Records
• Hogan’s Heroes avec Built To Last (1988)
• Alone In A Crowd, nouveau groupe de Jules Massey (Side By Side), avec son EP éponyme (1989)

LA CALIFORNIE

6. Uniform Choice – Screaming For Change (1986)

Uniform Choice a été créé en 1982 à Newport Beach, Orange County et sa vie n’a pas été de tout repos. Une première période s’étalant sur deux années, débutée sous le nom Moral Sin, faite de nombreux changements de line-up mais qui aboutira quand même à un changement de nom que l’on connait tous, une démo Orange Peel Sessions faiblarde (1982) et une série de concerts aux côtés des nouvelles stars du Punk Hardcore californien (Black Flag, Circle Jerks, Channel 3, Bad Religion, Angry Samoans…).

Puis une deuxième période, dès 1984, avec une toute nouvelle formation menée par Patrick « Pat » Dubar et une toute nouvelle vision musicale qui s’est matérialisée sur ce qui est considérée comme la toute première démo Straight Edge dans le Comté d’Orange, et l’un des première dans tout l’Ouest américain (America’s Hardcore, Stalag 13, Justice League en Californie ou encore 7 Seconds dans le Nevada).

Uniforme Choice ambitionnait d’apporter un souffle nouveau dans une scène Hardcore où la communauté, les valeurs et les racines musicales étaient en pleine déchéance. Objectif atteint grâce à l’album Screaming For Change publié en 1986 sur le label Wishingwell Records, qui n’est autre que celui de Pat Dubar et Pat Longrie (batteur), et qui accompagnera un bon nombre d’autres groupes comme Unity, Bl’ast!, Insted ou encore Youth Of Today (tiens tiens !).

Un disque reconnu et acclamé, car à la manière du Break Down The Walls de Youth Of Today, il est constitué de quatorze titres courts qui font la part belle aux fameux breakdowns et à des paroles introspectives mettant en avant le pouvoir de la pensée positive, de l’esprit clair (anti-drogue, anti-alcool), de la force par l’unité et qui ont dessiné les contours du genre Youth Crew. Bref un concentré d’énergie positive, bien équilibré entre dynamisme et mélodie, et qui donne envie de chanter en cœur avec Pat Dubar.

Après Screaming For Change, Uniform Choice s’est perdu avec des disques orientés cette fois-ci Rock Alternatif avant d’arrêter les dégâts en 1993. Il n’en reste pas moins un groupe culte et intemporel !

Meilleurs titres : Use Your Head, My Own Mind, Straight And Alert, Scream To Say, Once I Cry, Sometimes, Screaming For Change, Big Man Small Mind.

7. Insted – Bonds Of Friendship (1988)

Insted est à Uniform Choice ce que Bold est à Youth Of Today, le groupe petit frère qui marche dans les pas du plus grand. La formation a vu le jour en 1986 à Anaheim, Orange County et sa première démo sortie en 1986 lui a permis d’attirer l’attention du label Wishingwell Records co-géré par Pat Dubar et Pat Longrie d’Uniform Choice.

Ce partenariat débouchera sur l’écriture et la sortie de Bonds Of Friendship en 1988, disque véritablement incontournable de Youth Crew Hardcore et Straight Edge sur lequel Insted joue treize chansons très simples et accrocheuses par les pointes de mélodies qu’elles contiennent !

Les nombreuses tournées nationales aux côtés des plus grands (Gorilla Biscuits, Bold, Judge, Slapshot…) renforceront toujours plus les convictions d’Insted, leur créativité et donneront lieu aux excellents disques We’ll Make The Difference (1989) et What We Believe (1990) avant l’arrêt définitif de leur carrière en 1991.

Meilleurs titres : Tell Me, Good Things, Choose For Yourself, Standing Still, Time To Change, Be Something, State Of Confusion, Proud Youth.

8. Chain Of Strength – True Till Death (1989)

Super-groupe Youth Crew californien monté en 1988 par Alex Barreto (Against The Wall, Hard Stance) et des anciens de Justice League, Chain Of Strength reste jusqu’à aujourd’hui l’un des plus célèbres et imités !

Sa légende a débuté en 1989 avec True Till Death qui résonne encore de nos jours comme un véritable slogan Straight Edge. Un intemporel car ses six titres n’appliquent pas la recette classique et habituelle du Youth Crew Hardcore, préférant capturer toute la puissance et l’attaque métallique d’un Cro-Mags et l’associer à la mélodie d’un Dag Nasty ou Verbal Assault. De manière tout aussi singulière, Curtis Canales déploie des vocalises à mi-chemin entre agressivité et émotion constituant un mariage épique avec l’instrumentation.

Chain Of Strength, c’est aussi les paroles et de manière générale toute l’esthétique Straight Edge poussée à son paroxysme (merchandising !). Une approche maîtrisée de bout en bout et suffisamment rare qui a séduit le label Revelation Records qui en fera son deuxième porte étendard de la côte Ouest après No For An Answer.

L’EP What Holds Us Apart (1990) emboitera le pas en autoédition sur Foundation Records, refermant le chapitre et scellant à tout jamais la légende de Chain Of Strength !

Meilleurs titres : Just How Much?, True Till Death, There Is A Difference, Best Times.

D’autres groupes et albums ont également participé à l’émergence du Youth Crew Hardcore en Californie :

• Uniform Choice avec sa démo (1984)
• Unity avec You Are One (1985), l’autre groupe à succès de Pat Dubar
• Justice League avec Shattered Dreams (1986)
• Half Off avec The Truth (1987)
• Breakaway avec son EP éponyme (1988)
• Unit Pride avec son EP éponyme (1988), groupe d’Eric Ozenne et premier d’une longue lignée
• Hard Stance avec le militantiste Face Reality (1988), sur lequel la guitare est tenue par Zack de La Rocha (futur chanteur d’Inside Out et star de Rage Against The Machine)
• No For An Answer avec You Laugh E.P. (1988), premier disque de l’Ouest américain soutenu par Revelation Records
• Insted avec We’ll Make The Difference (1989) et What We Believe (1990)
• Against The Wall avec Identify Me (1989), le groupe aux sonorités « Judge » dont les manettes sont tenues par Mike Hartsfield (futur propriétaire de New Age Records) et Alex Barreto (Hard Stance, Chain Of Strength)
• Pushed Aside avec la démo du même nom (1989), spin-off d’Against The Wall
• Chain Of Strength avec What Holds Us Apart (1990)

En bonus, d’autres groupes et albums qui ont également participé à l’émergence du Youth Crew Hardcore aux Etats-Unis :

• A Mesa, Last Option avec Over Time (1987)
• A Seattle, Brotherhood avec Words Run…As Thick As Blood! (1989)
• A Chicago, Billingsgate avec Reach Out (1989)
• A Salt Lake, Insight avec Standing Strong (1989)