Les origines communes du Punk Hardcore et du Thrash Metal
Découvrir les origines des mouvements Punk Hardcore et Thrash Metal nous amène à remonter de profondes et lointaines ramifications. Elles trouvent toutes leur genèse dans le Rock qui est apparu au début des années 1950 et sont les conséquences d’interminables guerres musicales au sein de la scène.
Le Punk Hardcore a vu le jour aux Etats-Unis, précisément en Californie à la toute fin des années 1970, en réaction à la crise socio-politico-économique en vigueur et à la révolution Punk Rock du milieu des années 1970. Ce Punk démocratisé par les Ramones et les Sex Pistols étant lui-même un dérivé du Rock dont il a cherché à réanimer les sonorités originelles sauvages et rebelles alors étouffées par les hippies et le grand public ! Les Germs, Black Flag, Dead Kennedys, Bad Brains, Minor Threat, SS Decontrol, Agnostic Front, 7 Seconds, Poison Idea ou Adrenalin O.D. parmi tant d’autres ont scellé à tout jamais le destin du Hardcore.
Le Heavy Metal lui est apparu au Royaume-Uni et aux États-Unis à la fin des années 1960, popularisé par des groupes tels que Black Sabbath, Deep Purple, Led Zeppelin, Kiss, Alice Cooper ou Van Halen qui combinaient influences Blues et Rock. Le Thrash Metal est l’une des énièmes extensions du Heavy Metal née au début des années 1980, principalement en Californie grâce aux quatre cavaliers de l’Apocalypse : Megadeth, Metallica, Slayer et Anthrax.
Les prémices du rapprochement entre le Punk Hardcore et le Thrash Metal
En cette première moitié des années 1980, le Punk Hardcore et le Thrash Metal évoluaient côte à côte, notamment en Californie qui est le berceau des deux sous-genres. Pour autant, le Hardcore était largement considéré comme dominant au sein des musiques extrêmes, l’esthétique fantasque et épique du Metal n’emmenant pas bien large face au réalisme noir et violent du Hardcore, sa relation conflictuelle avec la police et ses bastons entre gangs ou dans le pit !
Plusieurs acteurs des deux bords ont d’ailleurs commenté que les Black Flag et les Bad Brains étaient des Rois, là où la place de Metallica et Slayer se situaient sur la deuxième marche du podium. Une fracture même culturelle puisque les films, les stations radio et les zines les discriminaient en fonction du niveau capillaire : chevelus versus crânes rasés !
Oui mais voilà, avec une telle proximité géographique et temporelle ainsi que le partage des mêmes origines, la frontière entre les deux genres ne pouvait être que poreuse.
La période s’étalant de 1982 à 1985 a prouvé que le Punk Hardcore de plusieurs groupes développait des tendances Metal, intégrées subtilement de sorte qu’un Punk les apprécie sans culpabilité aucune. Citons entre autres Void (Split, 1982), Die Kreuzen (ST, 1983), Corrosion Of Conformity (Eye For An Eye, 1984), Catatonics (Hunted Down, 1984), Poison Idea (Record Collectors Are Pretentious Assholes E.P., 1984), Final Warning (Out Of Sight Out Of Mind, 1984), Christ On Parade (Sounds Of Nature, 1985) ou encore toute la clique Skate Punk (Agression, Dr. Know, Faction, JFA, Los Olvidados, Rich Kids On LSD, Verbal Abuse, etc.).
L’un des tout premiers pionniers à avoir navigué en eaux troubles fut Suicidal Tendencies. La Californie, Venice Beach, des polémiques à l’appel par l’hyperviolence et l’imagerie de gang véhiculée par son leader Mike Muir, mais surtout un album éponyme sensationnel publié en 1983. Avec, les Suicidals ont ouvert une brèche en associant la furie du Hardcore à la puissance du Metal, leur valant un sacré succès commercial auprès du public et une reconnaissance par les médias (Flipside, MTV).
Autres explorateurs de renom, les Dirty Rotten Imbeciles originaires de Houston dans le Texas. Menés par Spike Cassidy, leur obsession de la vitesse et de la concision a abouti à l’un des enregistrements les plus singuliers et fous : Dirty Rotten EP (1983) qui n’est autre que la première pierre du Fastcore à venir ! Après une relocalisation à San Francisco, les D.R.I. ont sorti en 1985 l’album Dealing With It! qui a définitivement fait basculer les choses : si la vitesse et la férocité (blast beats !) des débuts y sont toujours légion, il contient des traits de caractère très affirmés inhérents au Metal, reflétant leur passion pour Black Sabbath et Judas Priest. Jamais auparavant sur le continent américain le Hardcore n’avait autant flirté avec son cousin diabolique à cornes !
Le croisement (crossover) officiel du Punk Hardcore et du Thrash Metal
Au milieu des années 1980, le Punk Hardcore avait clairement perdu de sa superbe et tournait en rond, quand la scène était devenue toujours plus violente et éclatée. Au même moment, le Thrash Metal prenait une ampleur conséquente, atteignant des sommets avec les succès du célèbre Big Four of Thrash et de leurs pairs Voivod, Exodus, Dark Angel, Destruction, Kreator, etc.
Plusieurs jeunes coreux décidaient donc de suivre et surfer sur le succès commercial du voisin thrasheur, en fusionnant complètement le Punk Hardcore et le Thrash Metal : un riffing bien généreux ainsi que l’incorporation de solos guitar-hero en provenance du Thrash ; la vitesse primordiale du Hardcore, avec une emphase sur la maîtrise technique façon Thrash ; de la puissance et des ralentissements de tempo pour mieux repartir derrière, allongeant la durée des compositions qui dépassent allègrement les trois minutes ; le chant shouté du Hardcore, avec des paroles ancrées dans le réel ou pleines d’humour ; une production métallique mais qui met un point d’honneur à capturer l’intensité des musiciens plutôt que l’esthétique ; des artworks d’albums très graphiques, la plupart signés des artistes Sean Taggart, Michael Seiff, Edward J. Repka ou Pushead.
Il a fallu cependant attendre 1987 et l’évolution musicale complète des D.R.I. pour baptiser officiellement ce nouveau genre hybride : le Crossover Thrash, plus communément appelé CROSSOVER comme l’album du même nom !
Une myriade de combos s’y sont engouffrés à commencer par les anciens qui maitrisaient le Punk Hardcore et l’ont emmené plus ou moins loin en territoire Thrash et avec plus ou moins de succès : Agnostic Front, Corrosion Of Conformity, Crumbsuckers, D.R.I., D.Y.S, Gang Green, Jerry’s Kids, SS Decontrol, Suicidal Tendencies, Verbal Abuse, les boys de Oxnard, etc.
Et puis les petits nouveaux à l’ADN 100% Crossover, généralement en provenance de New York et de la Californie : Attitude Adjustment, Beowülf, Carnivore, Cro-Mags, Cryptic Slaughter, Excel, Fearless Iranians From Hell, Final Conflict, Leeway, Lethal Aggression, Ludichrist, Method Of Destruction, No Mercy, Mucky Pup, Nuclear Assault, Stormtroopers Of Death, The Accüsed, Uncle Sam, Wehrmacht et j’en oublie un paquet (cf. article dédié).
Naturellement, des labels et magazines ont couvert le phénomène et participé à la promotion de la culture Crossover : Thrasher Magazine, Megaforce Records, Death / Metal Blade Records, Suicidal Records, Caroline Records, Combat Core, Roadrunner Records, Pusmort pour ne citer que ceux-là.
Le déclin du Crossover Thrash
Le Crossover a vécu son âge d’or sur la deuxième moitié des années 1980, restant populaire chez les fans coreux et metalheads jusqu’aux alentours de 1992.
Le début des années 1990 a marqué sa chute de popularité, d’une part en corrélation étroite avec le dégringolade du Thrash Metal qui s’est adouci ou a laissé place au Death Metal et au Groove Metal. D’autre part, le Hardcore est bien resté marié au Metal mais leur relation a muté vers une nouvelle forme : le Vegan Straight Edge Metalcore (Strife, Outspoken, Statement, Morning Again, Vegan Reich, Raid ou encore Earth Crisis).
Pour finir, cet article traite du Crossover Thrash aux Etats-Unis, mais des phénomènes et évolutions identiques ont pu être constatés et sont toujours observables aux quatre coins du globe dont l’Europe (en particulier en Angleterre et en Allemagne).
Références
Tony Rettman, NYHC
Rate Your Music, Crossover Thrash